Que Dieu prête longue vie à Notre Cher Seigneur...
Je ne puis résister,ici, à la tentation de publier le récit des obsèques d'un de ses aïeuls : Messire Oudart de Bournonville, chevalier, comte de Hennin-Liétart, viscomte de Barlin, baron dudit lieu et de Houllefort :
FUNÉRAILLES
D'UN GRAND SEIGNEUR D'AUTREFOIS,
Parmi les solennités privées de nos ancêtres, aucune
n'était soumise à plus de cérémonial, à plus de formalités
que les funérailles. Une noble famille ne se séparait d'un
père aimé, d'un frère chéri, qu'après lui avoir rendu les
plus grands honneurs; elle voulait que son dernier adieu
fût imposant et digne de la douleur qu'il provoquait. Ainsi
après le décès d'un gentilhomme, son écusson était exposé,
entouré de draperies noires, pendant six semaines au-dessus
de la grande porte de son hôtel. Le mort placé sur un lit de
parade, était visité par tous ceux qui l'avaient aimé ou
connu pendant sa vie. — S'il était le dernier de sa race, le
héraut d'armes se mettait au bord du caveau où allait être
déposé le cercueil et criait par trois fois, se tournant vers
la foule et prononçant le nom du défunt : Où êtes-vous?
Puis, ne recevant pas de réponse, il ajoutait : N. ne répond
plus, N. est éteint, — et les armoiries descendaient alors
pour toujours avec la bière dans la tombe antique. Des
pleureurs et des moines sans nombre suivaient le convoi
funèbre; chaque famille avait son caveau, chaque défunt
avait enfin pour son écusson une place réservée dans son
église paroissiale.
La description de la pompe funèbre qui eut lieu à la mort
de messire Oudart de Bournonville, à Bruxelles, pourra
donner une idée de ces lugubres et imposantes solennités.
Conseiller d'état, chef des finances de S. M., gouverneur-
général d'Artois, capitaine d'une compagnie de bandes d'ordonnance,
Bournonville élait un des plus puissants,
des plus nobles et des plus riches seigneurs des Pays-Bas,
Il avait épousé Marie-Chrétienne d'Egmout, fille de l'infor-
tuné comte Lamoral d'Egmont.
Nous donnons ici, d'après un document contemporain (i),
la description de ses funérailles.
« Le 28 décembre 1383, environ les douze heures du
midy, décéda en la ville de Bruxelles, hault et puissant
seigneur, Messire Oudart de Bournonville, chevalier, comte
de Hennin-Liétart, viscomte de Barlin, baron dudit lieu et
de Houllefort, seigneur de Câpres, Ranchicourl, Divion,
Fournes, Maisnil, Ruys, Gouy-Seruin, Montigny, Guar-
guctel, Wasquehal, Bondues, etc., premier conseiller du
conseil d' estât, seul chef des finances de sa Majesté, gou-
verneur-général du pays et comté d'Artois, capitaine d'une
compagnie des bandes d'ordonnance, gouverneur et capi-
taine des ville et cité d'Arras; âgé de ciucquante ans, ou
environ. Le corps duquel fut porté pour estre mis en sé-
pulture, en l'église paroichiale de ladite comté de Hennin,
et le dixième de féburier 1586, haulte et puissante dame
Madame Marie Chrestienne d'Egmout, comtesse dudit Hen-
nin, veufve dudit feu seigneur, fît célébrer ses obsccques
et pompes funèbres en l'église paroissiale de Nostre Dame
de la Chapelle, audit Bruxelles, en l'ordre et manière qui
s'en suit :
» La nef de ladite église où se célébrèrent lesdites obsec-
ques, pour la petitesse du chœur, fut tendue tout à l'entour
de drap noir, de la haulteur de cincq largeures de drap, et
d'une largeur de velour au-dessus, semée des armes dudit
feu seigneur, ensemble garnie tout à l'entour du lambris
de plaques et luminaires, de deux pieds en deux pieds.
Ci fut dressé un autel au devant du dossal (jubé) en
ladite nef, haut, eslevé de trois appas, iceluy tendu de
veiour noir, tant en dessus qu'en dessoubz dudit autel,
arnioyez des armes dudit feu seigneur en broderies.
» Item, une chapelle ardante au milieu de ladite nef, de
la haulteur de trente-trois pieds et autant de large, au des-
sus de laquelle fut posé un chapeau ou couronne comtale
et tendue en dessoubz de drap noir, et d'une pièce de ve-
iour par dessus tout, à l'enlour si fut posée la représenta-
tion eslevée de deux degrés, couverte d'un grand pal de
veiour noir, avec une toile à fond rouge, icelle garnie de
plusieurs luminaires, portant en nombre de cincq cens,
comprins ceux à l'entour de ladite église; item, de trente-
quatre haches ardanles, blasonnées de blasons moufflez.
» Le 9" dudit mois de féburier, sur les trois heures après
midy, furent chantées en ladite église, par les prestres
d'icelle, les vigiles à neuf psaulmes et neuf leçons, aus-
quelles assistèrent en premier lieu les trois héraux d'armes
cy après nommez, ayans leurs cottes d'armes plyées sur
leur bras, puis après ses domestiques, officiers, receveurs,
baillys, advocats, procureurs, pages, secrétaires, gentil-
hommes, maistre d'hostel dudit feu seigneur, et plusieurs
ses parens et amis, chacun en leur ordre.
» Le jour ensuivant, dixième dudit mois, sur les huict
heures du matin, commença à partir de la niayson mor-
tuaire dudit feu seigneur : en premier lieu, les frères Pres-
cheurs, puis les Carmes, suivis des frères Mineurs. Item,
le clercgé de ladite paroisse de la chapelle, suivy du collège
des chanoines de S'" Gudule. En après soysante pauvres,
revestus de robbes de deuil, chaperons en teste, portans
chacun une torche ardante , arraoyez de doubles blasons
des armes susdites.
»Item, les domestiques, officiers, receveurs, baillys,
procureurs, advocats, pages, secrétaires, gcntilhommcs, eu
ordre comme le jour précédent, suivis de Louis de Cru-
chyer, escuyer, seigneur du Constantin, maislrc d'hostei,
seul, garny de son blason de maislre, armoyé des armes
dudit seigneur.
» Item, le seigneur de Quiery, aussy seul, portant sur
Tespaule dextre l'enseigne d'infanterie, de taffetas noir à la
croix rouge, signifiant : ledit feu seigneur avoir été coUonel
d'un régiment de quinze enseignes d'infanterie walone et
duquel régiment ledit de Quiery avoit esté capitaine d'une
compagnie.
» Après iceluy marchoient deux trompettes, ayans leurs
trompettes et banières dudit feu seigneur, pendans aux cols.
» Item, marcha le hérault d'armes de Gueldres, revestu
par dessus son deuil de la cotte d'armes dudit feu seigneur
comte, lequel fut suivy par Monseigneur Absalon à dextre,
portant le peunou des plaines armes dudit seigneur défunct.
» Et au costé senestre marcha M"" Prouvin, portant la cor-
nette des couleurs et devises dudit seigneur défunct.
» Item, marcha M"" Aymez de Joigne à dextre, et portant
l'estendart d'homme d'armes des couleurs et devises dudit
seigneur comte, peintes richement, et avec deux images, de
la Vierge Marie et de S'^'-Chrestienne.
» Item, marcha à senestre M"" Vandernoot, portant le gui-
don d'homme d'armes des devises et couleurs comme dessus.
» Puis marchoient ensemble M"" Corpel, portant les gan-
telés dorés, et M'^ Longin, le puisné, portant les espérons
dorés.
» Item, marcha à dextre M"" Spreuck, portant l'armet de
leste, et à senestre M"" Zempe, portant la targe des couleurs.
» Puis marchoient pareusemble M"" Serclaes et M"" de May,
qui menoient par les resnes le premier cheval de guerre,
caparachonné des armes dudit feu seigneur comte, cham-
frain d'acier et plumaches des couleurs desdites armes, qui
sont blanc et noir.
» Après marcha ^PEmelot, portant à dextre la banière de
la viscomté de Barlin, qui est de sable à trois chevrons d'or.
» Et quant et quant M"^ d'Ittre, maistre d'hoslel de IN^ le
comte de Houtkerke, portant la banière de la baronnie de
Iloullefort, qui est de geule à la bande d'or, chargée de trois
tourteaux de geule.
» Item, marcha seul M'" Zempe, l'aisné, et porloit la ba-
nière de la comté de Hennin-Liétart, qui est d'argent à un
cheval saillant de sable, bridé, sellé et enharnasché de
mesme.
Quatre Quartiers en escus.
» Puis marcha à dextre M"" Marcq de Crise, portant Tescu
des armes de Sucquet, et à senestre marcha W Longin,
l'aisné, portant l'escu des armes de Noyelles.
» Item, marcha M' Stradeault, portant à dextre l'escu des
armes de Cournonvilie, et à senestre M'' Genecq, portant
l'escu des armes de Ranchicourt.
Quatre Quartiers en tanières.
» Item, marcha à dextre un gentilhomme duquel je ne
scay pas le nom, portant la banière des armes de Sucquet,
qui sont de gueule à la croix d'or.
» Item, marcha à senestre M"" Galle, portant la banière
des armes de Noyelles, qui sont escarteléesd'or et de gueule.
» Item, marcha à dextre M"" Buselayde, le jeusne, et por-
loit la banière des armes de Bournonville, qui sont de sable
au lyon d'argent, couronné, armé et lampassé d'or.
» Item, marcha à senestre M"" Dongleberghe, le jeusne,
portant la banière des armes de Ranchicourt, qui sont d'ar-
gent au chevron de gueule, accompagné de trois tourteaux
de mesme, deux de chef et un de pointe.
» Item, le hérault de Brabant seul, revestu de cotte d'ar-
mes dudit feu seigneur comte, par dessus son deuil.
» Puis marchoient ensemble les deux frères de iMolle,
guidaus par les resnes le cheval d'honneur, couvert jus-
ques au pastiirou des couleurs et devises dudit feu seigneur
comte, clianfriu d'acier, et plumaches des mesmes couleurs,
qui sont orange, blanc et iris de lin.
» M' Dongleberghe, raysné, marcha à dextre et portoit
Tespée d'armes avec le pendant.
» A senestre M"" Damant, portant la coste d'armes sur une
potence eslevée.
» Item, marcha M"" de Court à dextre, portant le grand
harnachement de guerre, timbrez d'un demy lyon des ar-
mes sortant d'une courone d'or.
» Item, marcha un gentilhomme, duquel ie ne scay le
nom, portant le grand escu des plaines armes, couronnées
de chapeau du comte.
» Item, venoient par ensemble M"" Barlinghem et M"" Bu-
selayde, raysné, menant le cheval de deuil couvert de drap
noir jusques en terre, à la croix d'Armoisin rouge, randis-
sant au milieu, embelly de quatre armoyries entre les
membres de la croix.
» Item, marcha seul M"" de Poucques, gouverneur de la
comtée de Hennin, portant la banière de la maysou et ar-
mes dudit feu seigneur comte.
» Item, après marcha seul W Jean du Mont-S'-Éloy, sei-
gneur duMetz-Callant, lieutenant-général dudit feu seigneur
comte en la ville et gouvernem' d'Arras, portant le chapeau
de comte fait de perles, pierreries et basty fort richement,
assis sur un carreau de velour noir à lambeaux de velour
noir pendant.
» Item, marcha seul Guillaume Rudiier, hérault d'armes
du comté de Haynaut et de la ville et chastelenie de Lille,
maistre des cérémonies, reveslu de cotte d'armes du feu
seigneur comte, par dessus son manteau de deuil.
» Et pour chef du deuil, à cause de la minorité de mon-
seigneur Alexandre de Bournonville, fils dudit feu seigneur
comte, et l'absence de noble seigneur messirc Jean de
Rouffel, seigneur de la Cauchye, gouverneur d'IIardelot,
comme proche parent dudit feu seigneur, fut noble homme
Claude de Rouffel, seigneur de Bedouatre, capitaine d'une
compagnie de chevaulx légers au service de Sa Majesté,
frère puisné dudit seigneur de la Gauchie, conduit par
hault et puissant prince, Messire Philippe, sire de Croy,
duc d'Arschot, comte de Beaumont, chevalier de Tordre
de la Toison d'or.
» Item, après marchoient les parens, amis et alliez, comme
M' d'Aubers, M"" de Maries, M'' de Croix, M"" le chanoine
de Sevelengens, M"^ de IXoircarmes, M"" le comte Charles
d'Egmont, M"^ le comte de Herlyes, M"^ le prince de Chimay,
M"" le prince d'Aremberghe, M"" le marquis de Wareuhon,
M'' le marquis de Berghes, M'^ le comte de Bairlemont et
messieurs des Consaulx d'estat, privés et de finances de Sa
Majesté, avec autres évocqués.
» Ausquelles obsesques n'y comparurent en premier lieu
monseigneur le prince de Gavre, comte d'Egmont, frère de
ladite dame, comtesse de Hennin, pour son indisposition,
comme aussy à raison de la diversité du temps, causée des
grandes neiges de ladite année, et longueur des chemins,
ne comparurent et assistèrent aussy messieurs d'Estourmel,
gouverneur de Peronne, Roye et Mondidier, de Semerspont,
comte de Chausne, les seigneurs de Sanecourt, de Noyellcs,
gouverneur de Bapaumes, du Plantin, de Helfault, de So-
nastre et autres évocqués.
» La messe fut chantée en musicque par les chantres de
S^^-Goulde (Gudide) et célébrée par monseigneur l'archeves-
que de Malines, assistez pour diacre et souhdiacre des abbés
de Dilleghem et de Grimberghes, tous reveslus en pontifi-
caux avec leur mitres et croces.
» A l'offrande de la messe furent présentées par les nics-
mes genlilhommes chacune des pièces susdites, saulf les
quartiers, tant en cscus qu'en banières, qui demeurèrent
posées aux quatre coings de la chapelle ardente, comme
aussy ne fust offert, ne présenté à Toffrende le chapeau de
comte, ains demeura aussy posé sur le chef de ladite repré-
sentation et raporté du depuis par ledit seigneur du Mets-
Galant, pour estre rendu à Ihéritier.
» Et après la présentation desdites pièces mondit seigneur
duc d'Arschot conduit ledit seigneur de Bedoualre à ladite
offrande, y présentant son sierge de cire hlanche, dedans
lequel estoit fiché un double doublon d'Espagne.
»Ce fait, iN^Moschus, chanoine de l'église cathédrale de
Notre-Dame d'Arras, fit l'oraison funèbre qui fut ouy en
grande attention, tant pour sa grande doctrine qu'éloquence.
» Ladite oraison funèbre achevée, ladite messe fut paren-
suivie, y assistant au devant de l'autel les six pages dudit
feu seigneur à genoux tenans chacun une hache ardente en
la main.
» Et par après fut par monseigneur l'archevesque fait
l'absolution à l'entour du tombeau comme il est de cous-
tume, puis chacun se mit en ordre et fut reconduit le deuil
en ladite mayson mortuaire, où se fit un bancquet fort
somptueux de toute sorte de vivres qui se pouvoient re-
couvrer, et après grâces dictes par monseigneur l'archeves-
que, ledit sieur chanoine Moschus recomença derechef une
oraison funèbre, en tel cas requis.
» Le lendemain furent mises et assises en un grand ta-
bleau tout au-dessus du grand autel du cœur et à lentour
d'iceluy, en lieux fort éminens, toutes et chacunes les armes
quartiers et banières susdites.
» Comme elles ont aussy esté posées à l'église paroichiale
dudit Hennin, où ladite dame sa consorte luy fit ériger une
honorable sépulture (i) et représentation. »
J. D. S. G.
Je ne puis résister,ici, à la tentation de publier le récit des obsèques d'un de ses aïeuls : Messire Oudart de Bournonville, chevalier, comte de Hennin-Liétart, viscomte de Barlin, baron dudit lieu et de Houllefort :
FUNÉRAILLES
D'UN GRAND SEIGNEUR D'AUTREFOIS,
Parmi les solennités privées de nos ancêtres, aucune
n'était soumise à plus de cérémonial, à plus de formalités
que les funérailles. Une noble famille ne se séparait d'un
père aimé, d'un frère chéri, qu'après lui avoir rendu les
plus grands honneurs; elle voulait que son dernier adieu
fût imposant et digne de la douleur qu'il provoquait. Ainsi
après le décès d'un gentilhomme, son écusson était exposé,
entouré de draperies noires, pendant six semaines au-dessus
de la grande porte de son hôtel. Le mort placé sur un lit de
parade, était visité par tous ceux qui l'avaient aimé ou
connu pendant sa vie. — S'il était le dernier de sa race, le
héraut d'armes se mettait au bord du caveau où allait être
déposé le cercueil et criait par trois fois, se tournant vers
la foule et prononçant le nom du défunt : Où êtes-vous?
Puis, ne recevant pas de réponse, il ajoutait : N. ne répond
plus, N. est éteint, — et les armoiries descendaient alors
pour toujours avec la bière dans la tombe antique. Des
pleureurs et des moines sans nombre suivaient le convoi
funèbre; chaque famille avait son caveau, chaque défunt
avait enfin pour son écusson une place réservée dans son
église paroissiale.
La description de la pompe funèbre qui eut lieu à la mort
de messire Oudart de Bournonville, à Bruxelles, pourra
donner une idée de ces lugubres et imposantes solennités.
Conseiller d'état, chef des finances de S. M., gouverneur-
général d'Artois, capitaine d'une compagnie de bandes d'ordonnance,
Bournonville élait un des plus puissants,
des plus nobles et des plus riches seigneurs des Pays-Bas,
Il avait épousé Marie-Chrétienne d'Egmout, fille de l'infor-
tuné comte Lamoral d'Egmont.
Nous donnons ici, d'après un document contemporain (i),
la description de ses funérailles.
« Le 28 décembre 1383, environ les douze heures du
midy, décéda en la ville de Bruxelles, hault et puissant
seigneur, Messire Oudart de Bournonville, chevalier, comte
de Hennin-Liétart, viscomte de Barlin, baron dudit lieu et
de Houllefort, seigneur de Câpres, Ranchicourl, Divion,
Fournes, Maisnil, Ruys, Gouy-Seruin, Montigny, Guar-
guctel, Wasquehal, Bondues, etc., premier conseiller du
conseil d' estât, seul chef des finances de sa Majesté, gou-
verneur-général du pays et comté d'Artois, capitaine d'une
compagnie des bandes d'ordonnance, gouverneur et capi-
taine des ville et cité d'Arras; âgé de ciucquante ans, ou
environ. Le corps duquel fut porté pour estre mis en sé-
pulture, en l'église paroichiale de ladite comté de Hennin,
et le dixième de féburier 1586, haulte et puissante dame
Madame Marie Chrestienne d'Egmout, comtesse dudit Hen-
nin, veufve dudit feu seigneur, fît célébrer ses obsccques
et pompes funèbres en l'église paroissiale de Nostre Dame
de la Chapelle, audit Bruxelles, en l'ordre et manière qui
s'en suit :
» La nef de ladite église où se célébrèrent lesdites obsec-
ques, pour la petitesse du chœur, fut tendue tout à l'entour
de drap noir, de la haulteur de cincq largeures de drap, et
d'une largeur de velour au-dessus, semée des armes dudit
feu seigneur, ensemble garnie tout à l'entour du lambris
de plaques et luminaires, de deux pieds en deux pieds.
Ci fut dressé un autel au devant du dossal (jubé) en
ladite nef, haut, eslevé de trois appas, iceluy tendu de
veiour noir, tant en dessus qu'en dessoubz dudit autel,
arnioyez des armes dudit feu seigneur en broderies.
» Item, une chapelle ardante au milieu de ladite nef, de
la haulteur de trente-trois pieds et autant de large, au des-
sus de laquelle fut posé un chapeau ou couronne comtale
et tendue en dessoubz de drap noir, et d'une pièce de ve-
iour par dessus tout, à l'enlour si fut posée la représenta-
tion eslevée de deux degrés, couverte d'un grand pal de
veiour noir, avec une toile à fond rouge, icelle garnie de
plusieurs luminaires, portant en nombre de cincq cens,
comprins ceux à l'entour de ladite église; item, de trente-
quatre haches ardanles, blasonnées de blasons moufflez.
» Le 9" dudit mois de féburier, sur les trois heures après
midy, furent chantées en ladite église, par les prestres
d'icelle, les vigiles à neuf psaulmes et neuf leçons, aus-
quelles assistèrent en premier lieu les trois héraux d'armes
cy après nommez, ayans leurs cottes d'armes plyées sur
leur bras, puis après ses domestiques, officiers, receveurs,
baillys, advocats, procureurs, pages, secrétaires, gentil-
hommes, maistre d'hostel dudit feu seigneur, et plusieurs
ses parens et amis, chacun en leur ordre.
» Le jour ensuivant, dixième dudit mois, sur les huict
heures du matin, commença à partir de la niayson mor-
tuaire dudit feu seigneur : en premier lieu, les frères Pres-
cheurs, puis les Carmes, suivis des frères Mineurs. Item,
le clercgé de ladite paroisse de la chapelle, suivy du collège
des chanoines de S'" Gudule. En après soysante pauvres,
revestus de robbes de deuil, chaperons en teste, portans
chacun une torche ardante , arraoyez de doubles blasons
des armes susdites.
»Item, les domestiques, officiers, receveurs, baillys,
procureurs, advocats, pages, secrétaires, gcntilhommcs, eu
ordre comme le jour précédent, suivis de Louis de Cru-
chyer, escuyer, seigneur du Constantin, maislrc d'hostei,
seul, garny de son blason de maislre, armoyé des armes
dudit seigneur.
» Item, le seigneur de Quiery, aussy seul, portant sur
Tespaule dextre l'enseigne d'infanterie, de taffetas noir à la
croix rouge, signifiant : ledit feu seigneur avoir été coUonel
d'un régiment de quinze enseignes d'infanterie walone et
duquel régiment ledit de Quiery avoit esté capitaine d'une
compagnie.
» Après iceluy marchoient deux trompettes, ayans leurs
trompettes et banières dudit feu seigneur, pendans aux cols.
» Item, marcha le hérault d'armes de Gueldres, revestu
par dessus son deuil de la cotte d'armes dudit feu seigneur
comte, lequel fut suivy par Monseigneur Absalon à dextre,
portant le peunou des plaines armes dudit seigneur défunct.
» Et au costé senestre marcha M"" Prouvin, portant la cor-
nette des couleurs et devises dudit seigneur défunct.
» Item, marcha M"" Aymez de Joigne à dextre, et portant
l'estendart d'homme d'armes des couleurs et devises dudit
seigneur comte, peintes richement, et avec deux images, de
la Vierge Marie et de S'^'-Chrestienne.
» Item, marcha à senestre M"" Vandernoot, portant le gui-
don d'homme d'armes des devises et couleurs comme dessus.
» Puis marchoient ensemble M"" Corpel, portant les gan-
telés dorés, et M'^ Longin, le puisné, portant les espérons
dorés.
» Item, marcha à dextre M"" Spreuck, portant l'armet de
leste, et à senestre M"" Zempe, portant la targe des couleurs.
» Puis marchoient pareusemble M"" Serclaes et M"" de May,
qui menoient par les resnes le premier cheval de guerre,
caparachonné des armes dudit feu seigneur comte, cham-
frain d'acier et plumaches des couleurs desdites armes, qui
sont blanc et noir.
» Après marcha ^PEmelot, portant à dextre la banière de
la viscomté de Barlin, qui est de sable à trois chevrons d'or.
» Et quant et quant M"^ d'Ittre, maistre d'hoslel de IN^ le
comte de Houtkerke, portant la banière de la baronnie de
Iloullefort, qui est de geule à la bande d'or, chargée de trois
tourteaux de geule.
» Item, marcha seul M'" Zempe, l'aisné, et porloit la ba-
nière de la comté de Hennin-Liétart, qui est d'argent à un
cheval saillant de sable, bridé, sellé et enharnasché de
mesme.
Quatre Quartiers en escus.
» Puis marcha à dextre M"" Marcq de Crise, portant Tescu
des armes de Sucquet, et à senestre marcha W Longin,
l'aisné, portant l'escu des armes de Noyelles.
» Item, marcha M' Stradeault, portant à dextre l'escu des
armes de Cournonvilie, et à senestre M'' Genecq, portant
l'escu des armes de Ranchicourt.
Quatre Quartiers en tanières.
» Item, marcha à dextre un gentilhomme duquel je ne
scay pas le nom, portant la banière des armes de Sucquet,
qui sont de gueule à la croix d'or.
» Item, marcha à senestre M"" Galle, portant la banière
des armes de Noyelles, qui sont escarteléesd'or et de gueule.
» Item, marcha à dextre M"" Buselayde, le jeusne, et por-
loit la banière des armes de Bournonville, qui sont de sable
au lyon d'argent, couronné, armé et lampassé d'or.
» Item, marcha à senestre M"" Dongleberghe, le jeusne,
portant la banière des armes de Ranchicourt, qui sont d'ar-
gent au chevron de gueule, accompagné de trois tourteaux
de mesme, deux de chef et un de pointe.
» Item, le hérault de Brabant seul, revestu de cotte d'ar-
mes dudit feu seigneur comte, par dessus son deuil.
» Puis marchoient ensemble les deux frères de iMolle,
guidaus par les resnes le cheval d'honneur, couvert jus-
ques au pastiirou des couleurs et devises dudit feu seigneur
comte, clianfriu d'acier, et plumaches des mesmes couleurs,
qui sont orange, blanc et iris de lin.
» M' Dongleberghe, raysné, marcha à dextre et portoit
Tespée d'armes avec le pendant.
» A senestre M"" Damant, portant la coste d'armes sur une
potence eslevée.
» Item, marcha M"" de Court à dextre, portant le grand
harnachement de guerre, timbrez d'un demy lyon des ar-
mes sortant d'une courone d'or.
» Item, marcha un gentilhomme, duquel ie ne scay le
nom, portant le grand escu des plaines armes, couronnées
de chapeau du comte.
» Item, venoient par ensemble M"" Barlinghem et M"" Bu-
selayde, raysné, menant le cheval de deuil couvert de drap
noir jusques en terre, à la croix d'Armoisin rouge, randis-
sant au milieu, embelly de quatre armoyries entre les
membres de la croix.
» Item, marcha seul M"" de Poucques, gouverneur de la
comtée de Hennin, portant la banière de la maysou et ar-
mes dudit feu seigneur comte.
» Item, après marcha seul W Jean du Mont-S'-Éloy, sei-
gneur duMetz-Callant, lieutenant-général dudit feu seigneur
comte en la ville et gouvernem' d'Arras, portant le chapeau
de comte fait de perles, pierreries et basty fort richement,
assis sur un carreau de velour noir à lambeaux de velour
noir pendant.
» Item, marcha seul Guillaume Rudiier, hérault d'armes
du comté de Haynaut et de la ville et chastelenie de Lille,
maistre des cérémonies, reveslu de cotte d'armes du feu
seigneur comte, par dessus son manteau de deuil.
» Et pour chef du deuil, à cause de la minorité de mon-
seigneur Alexandre de Bournonville, fils dudit feu seigneur
comte, et l'absence de noble seigneur messirc Jean de
Rouffel, seigneur de la Cauchye, gouverneur d'IIardelot,
comme proche parent dudit feu seigneur, fut noble homme
Claude de Rouffel, seigneur de Bedouatre, capitaine d'une
compagnie de chevaulx légers au service de Sa Majesté,
frère puisné dudit seigneur de la Gauchie, conduit par
hault et puissant prince, Messire Philippe, sire de Croy,
duc d'Arschot, comte de Beaumont, chevalier de Tordre
de la Toison d'or.
» Item, après marchoient les parens, amis et alliez, comme
M' d'Aubers, M"" de Maries, M'' de Croix, M"" le chanoine
de Sevelengens, M"^ de IXoircarmes, M"" le comte Charles
d'Egmont, M"^ le comte de Herlyes, M"^ le prince de Chimay,
M"" le prince d'Aremberghe, M"" le marquis de Wareuhon,
M'' le marquis de Berghes, M'^ le comte de Bairlemont et
messieurs des Consaulx d'estat, privés et de finances de Sa
Majesté, avec autres évocqués.
» Ausquelles obsesques n'y comparurent en premier lieu
monseigneur le prince de Gavre, comte d'Egmont, frère de
ladite dame, comtesse de Hennin, pour son indisposition,
comme aussy à raison de la diversité du temps, causée des
grandes neiges de ladite année, et longueur des chemins,
ne comparurent et assistèrent aussy messieurs d'Estourmel,
gouverneur de Peronne, Roye et Mondidier, de Semerspont,
comte de Chausne, les seigneurs de Sanecourt, de Noyellcs,
gouverneur de Bapaumes, du Plantin, de Helfault, de So-
nastre et autres évocqués.
» La messe fut chantée en musicque par les chantres de
S^^-Goulde (Gudide) et célébrée par monseigneur l'archeves-
que de Malines, assistez pour diacre et souhdiacre des abbés
de Dilleghem et de Grimberghes, tous reveslus en pontifi-
caux avec leur mitres et croces.
» A l'offrande de la messe furent présentées par les nics-
mes genlilhommes chacune des pièces susdites, saulf les
quartiers, tant en cscus qu'en banières, qui demeurèrent
posées aux quatre coings de la chapelle ardente, comme
aussy ne fust offert, ne présenté à Toffrende le chapeau de
comte, ains demeura aussy posé sur le chef de ladite repré-
sentation et raporté du depuis par ledit seigneur du Mets-
Galant, pour estre rendu à Ihéritier.
» Et après la présentation desdites pièces mondit seigneur
duc d'Arschot conduit ledit seigneur de Bedoualre à ladite
offrande, y présentant son sierge de cire hlanche, dedans
lequel estoit fiché un double doublon d'Espagne.
»Ce fait, iN^Moschus, chanoine de l'église cathédrale de
Notre-Dame d'Arras, fit l'oraison funèbre qui fut ouy en
grande attention, tant pour sa grande doctrine qu'éloquence.
» Ladite oraison funèbre achevée, ladite messe fut paren-
suivie, y assistant au devant de l'autel les six pages dudit
feu seigneur à genoux tenans chacun une hache ardente en
la main.
» Et par après fut par monseigneur l'archevesque fait
l'absolution à l'entour du tombeau comme il est de cous-
tume, puis chacun se mit en ordre et fut reconduit le deuil
en ladite mayson mortuaire, où se fit un bancquet fort
somptueux de toute sorte de vivres qui se pouvoient re-
couvrer, et après grâces dictes par monseigneur l'archeves-
que, ledit sieur chanoine Moschus recomença derechef une
oraison funèbre, en tel cas requis.
» Le lendemain furent mises et assises en un grand ta-
bleau tout au-dessus du grand autel du cœur et à lentour
d'iceluy, en lieux fort éminens, toutes et chacunes les armes
quartiers et banières susdites.
» Comme elles ont aussy esté posées à l'église paroichiale
dudit Hennin, où ladite dame sa consorte luy fit ériger une
honorable sépulture (i) et représentation. »
J. D. S. G.